L'Oréal pour les filles et la science !

L'Oréal pour les filles et la science !

Le 8 octobre 2014, Najat Vallaud Belkacem, la Ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche a prononcé un discours lors du lancement, par la Fondation L’Oréal du nouveau programme de promotion des femmes dans les carrières scientifiques « L’oréal Pour les filles et la Science ». digiSchool vous propose de revivre ce discours.

27 Octobre 2014 | Romain Proton | 0 commentaire

Najat Vallaud Belkacem

 

« Monsieur le Président Directeur Général, 
Madame la Directrice, 
Mesdames et Messieurs,
Les mots que vous avez prononcés, Monsieur le Président m’ont touchés. Vous m’avez remerciée et pourtant, vous savez, c’est à vous tous qui vous êtes mobilisés pour lancer ce soir le programme que je veux adresser des remerciements.

« Monsieur le Président Directeur Général, 

Madame la Directrice, 

Mesdames et Messieurs,

Les mots que vous avez prononcés, Monsieur le Président m’ont touchés. Vous m’avez remerciée et pourtant, vous savez, c’est à vous tous qui vous êtes mobilisés pour lancer ce soir le programme que je veux adresser des remerciements.

Le hasard de la vie politique permet heureusement de préserver quelques continuités et de poursuivre un engagement personnel, un engagement en tant que femme, un engagement par-delà l’engagement politique : celui de lutter contre les déterminismes, de lutter contre les préjugés pour permettre à notre jeunesse, aux filles comme aux garçons, de se projeter, de ne se refuser aucun rêve et surtout de pouvoir les réaliser

Vous vous en doutiez, mais je voudrais vous l’assurer, ma participation avec vous ce soir est une manière de vous dire ma volonté, dans mes nouvelles responsabilités de ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, de contribuer pleinement au combat pour les droits des femmes et pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

Puisque nous sommes réunis ce soir dans ce lieu merveilleux qu’est le Palais de Tokyo, un lieu propice à la créativité, j’ai envie à mon tour de me laisser aller à un peu d’imagination avec vous. Si je devais, ce soir, créer une œuvre d’art et l’exposer ici, j’imaginerai volontiers une installation lumineuse avec l’inscription « 1924 ». 

Pourquoi 1924 ? Et bien parce que c’est la date à laquelle les programmes sont devenus identiques entre les filles et les garçons, la date à laquelle les sciences ont occupé la même place dans l’enseignement délivré aux filles et aux garçons. 

1924, c’est tard. Et c’est le premier point que je voudrais souligner :

1. Le constat partagé que nous faisons du retard de la place des femmes dans les sciences n’est pas le fruit du hasard. C’est le fruit d’une histoire, longtemps volontaire, d’exclusion des femmes du domaine des sciences. C’est un fait, vous l’avez dit, nous manquons de femmes dans le domaine de sciences.

A l’école, aujourd’hui encore, les choix d’orientation des filles en terminale restent très marqués : au lycée, les filles choisissent encore majoritairement les séries littéraires ou de sciences humaines. Elles représentent près de 79% des effectifs en classe de première L et un peu plus de 60% en première ES. Ces différences se retrouvent dans la suite de leurs études : seules 28 % des filles sont en écoles d’ingénieur, seules 30 % d’entre elles sont inscrites en classes préparatoires scientifiques contre 74 % en classes préparatoires littéraires. A ce rythme, il faudrait attendre 2080 pour atteindre la parité entre chercheurs et chercheuses au CNRS en sciences dures et 2075 pour les écoles d’ingénieurs.

Lorsqu’on s’interroge sur les causes de ce phénomène comme vous l’avez fait avant de construire ce programme, je crois qu’il faut revenir à des choses simples mais essentielles : Ce n’est évidemment pas une question de compétences. Il n’y a pas moins d’appétences naturelles chez les filles et les garçons pour la découverte scientifique, pas moins pour l’aventure scientifique et pas moins pour la réussite non plus dans ces domaines. 

Ces inégalités, en réalité, sont d’ordre culturel et ne sont pas le fruit du hasard : tout se cumule ; l’image dévalorisée des sciences dans notre société ; le maintien des inégalités professionnelles et des inégalités de visibilité des femmes de science. 

Et notre système éducatif n’est pas encore parvenu à contrebalancer ces effets pour donner confiance aux jeunes filles pour qu’elles s’engagent dans la vie professionnelle comme les garçons et que leurs choix ne soient pas limités par les préjugés de notre société. 

Et, il faut le dire, ces inégalités découlent aussi d’une longue histoire d’exclusion des femmes du domaine des sciences. Une exclusion volontaire.

Lorsqu’au 18ème siècle, Jean-Jacques Rousseau écrit qu’il est inutile d’enseigner les sciences aux femmes et que c’est la tâche du mari que d’apprendre à la femme ce qu’elle a besoin de savoir, il est alors loin d’être minoritaire. Et si certaines femmes s’ouvrent, aux 18ème et 19ème siècles, à l’astronomie, c’est avant tout parce qu’elles appartiennent à des familles de fabricants d’optique et épaulent un frère, un père, un mari. 

Les résultats, nous les voyons encore aujourd’hui : En 111 ans, le Prix Nobel n’a été attribué qu’à trois scientifiques françaises : Marie Curie, Irène Joliot Curie et Françoise Barré Sinoussi en 2008

Aucune jeune mathématicienne n’a encore bénéficié à ce jour d’une des 12 médailles Fields françaises. Et il n’y a eu que trois femmes médaille d’or du CNRS sur les 59 attribuées !

Certains pourraient déplorer ce constant, s’en alarmer et puis finalement s’en accommoder… parce que les mentalités sont si difficiles à faire évoluer ….. et je ne vous parle pas de ceux qui revendiquent la préservation des préjugés. 

Ce n’est pas votre conviction, je le sais. Ce n‘est pas non plus mon ambition parce que je crois qu’il faut permettre aux jeunes filles d’accomplir leurs rêves ; mais aussi parce que notre pays ne peut se priver des talents qu’ils forment

Il ne faut jamais cesser de le dire ; l’absence des femmes dans les sciences, est très préjudiciable à notre société. La faire diminuer, c’est conduire une action indispensable pour le redressement du pays. 

N’est-il pas dommage, par exemple, que le secteur de l’informatique peine autant à recruter des femmes et cherche à l’extérieur des talents qui sont pourtant présents, ici sur notre territoire : vous le savez, seule une sur 10 entreprises innovantes est créée par des femmes aujourd’hui. C’est un énorme gâchis.

L’action que vous menez à nos côtés pour l’égalité dans les secteurs des sciences et de la recherche n’est pas anodine. Au contraire, elle est décisive car ce sont des secteurs à forte visibilité, car ce sont des secteurs de l’excellence. Et du coup, ils peuvent avoir un impact majeur pour changer la perception de notre société sur les rôles sociaux des deux sexes.

L’action qui se lance ce soir, va permettre d’agir sur les bons leviers pour donner aux filles le goût de sciences et d’une carrière dans les sciences. 

Agir sur les bons leviers, c’est ce que vous faîtes de longue date à la Fondation L’Oréal, vous qui depuis 16 ans, avez mis en place le Prix « L’Oréal Unesco Pour les Femmes et la Science » pour encourager les femmes qui mènent des carrières scientifiques exceptionnelles. 

Vous avez cette année décidé d’agir plus tôt, au lycée, là où le décrochage se fait entre filles et garçons. 

Quels sont ces leviers ? 

Et bien, tout d’abord, vous avez compris que face aux préjugés, il faut agir pour éviter l’autocensure, il faut agir pour convaincre et pour permettre aux jeunes lycéennes de se projeter par rapport à un modèle, grâce aux ambassadrices que vous faîtes intervenir dans les classes. 

Je crois beaucoup à la force des témoignages et à cet engagement personnel de rôle modèle. Dans notre société qui renvoie si souvent l’image de la réussite au masculin, comment en effet, pour une jeune fille, se projeter dans les sciences si on ne rencontre pas d’autres femmes qui aient réussi dans ce parcours et qui y soient pleinement heureuses, comme professionnelles et comme femmes ? 

Voilà tout l’intérêt de votre action, agir directement sur les facteurs culturels qui conduisent à l’autocensure des jeunes filles dans l’accès aux sciences. Prévenir l’autocensure, permettre aux filles d’être elles-mêmes, en ne se laissant pas enfermer dans des carcans et des rôles prédéterminés et inégalitaires… Je salue bien volontiers Claudie HAIGNERE, qui a montré que l’espace était aussi accessible aux jeunes femmes. 

Second levier : utiliser des outils qui parlent aux jeunes, avec votre campagne digitale de sensibilisation que vous lancez aujourd'hui et que je suis prête à relayer : vous pouvez, pour cela aussi, compter sur moi. 

De manière plus générale, sachez que votre action ne sera pas une action isolée : mon ministère est pleinement mobilisé pour gagner la lutte contre les déterminismes, de l’école à l’université 

L’Académie de Paris s’investit depuis le début du projet, et je sais que les Ateliers Sciences que vous avez organisés en mai ont contribué à nourrir l’ensemble des outils créés pour votre programme de sensibilisation. 

Pour cette année scolaire, à nouveau, une vingtaine de lycées parisiens accueillera vos interventions, à Paris, dans l’Académie de Versailles, mais aussi ailleurs en France : au lycée Joliot Curie de Rennes, dont, vu le nom, on aurait eu peine à imaginer qu’il ne vous ouvre pas grand ses portes 

Les académies de Créteil, Nancy, Toulouse, Montpellier, Caen, Dijon, Grenoble, Limoges et Lyon sont également en train de travailler avec vous pour déployer votre programme. 

Mais mon soutien va également au-delà parce que pour agir encore plus efficacement au lycée, encore faut-il que nous ayons créé une culture de l’égalité à l’école et combattu les préjugés. 

C’est le sens du plan d’action pour l’égalité filles garçons à l’école qui va se mettre en place avec un effort sans précédent sur la formation des enseignants, de tous niveaux, en formation initiale et en formation continue. 

Cela passe également par un travail en commun, avec les professionnels de l’éducation nationale, mais aussi avec l’ensemble des acteurs et des partenaires de la science. J’ai souvent l’occasion de le dire, ma vision est celle d’une école ouverte sur l’extérieur, une école qui est au centre de tout mais qui sait qu’elle ne peut rien sans les autres. C’est le cas, bien évidemment, lorsqu’il s’agit de lutter contre les déterminismes et d’inciter les jeunes filles à s’orienter vers les sciences. 

La Charte que j’ai signée avec Universciences pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine des sciences et des technologies fait partie de ces actions communes : cesser de présenter de manière systématique le scientifique, dans les expositions comme dans les manuels scolaires, sous les traits d’un homme ou d’un petit garçon ; promouvoir et valoriser les choix d’études scientifiques et techniques des jeunes filles, grâce notamment à la Cite des métiers d’Universciences, pour lutter contre les stéréotypes, par le biais d’ateliers de sensibilisation au moment de la Fête des Sciences. 

Je ne vous citerai pas l’ensemble des actions que nous allons conduire ensemble, mais croyez-moi, elles seront nombreuses, et notamment au moment clef pour le faire, le moment de l’orientation. Pour cela, j’ai engagé en mars dernier l’ensemble du gouvernement et les partenaires de l’Etat sur une plateforme pour la mixité des métiers, pour changer progressivement les pratiques des professionnels de l’orientation et donner à tous le réflexe de l’égalité. L’objectif est ambitieux : passer d’ici 2025 de 12% à un tiers de métiers mixtes. 

J’ai confiance. J’ai confiance, parce que en vous et en nous pour le réaliser ensemble. 

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